La photosynthèse

November 08, 2022

 

Vous me connaissez. Quand je propose une expérience pour les enfants, j'aime qu'elle soit réalisable et réalisée par les enfants eux-mêmes (sans quoi ce n'est plus une expérience pour enfant, hein). Pour cela, elle doit être garantie 100% sans danger. J'aime aussi qu'elle se pratique avec les moyens du bord, au pied levé si possible, avec du matériel aisé à dénicher dans nos demeures.

Bon.
 
L'expérience du jour contredit ces principes simples : elle n'est pas réalisable par les enfants, en tout cas, pas sans une supervision serrée, car elle présente des risques chimiques. De plus, vous aurez toutes les peines du monde à obtenir le révélateur nécessaire à la manip'. 😏
 
Si vous n'êtes pas encore découragés par les lignes qui précèdent, sachez enfin qu'elle nécessite un taux d’ensoleillement tel qu'il vous faudra certainement attendre le printemps prochain pour la mettre en place. 😁
 
Voilà : avouez que je suis très forte pour mettre l'eau à la bouche, hein ? 😄

Voici l'histoire. Je cherchais une expérience à réaliser pour illustrer le chapitre V de mon Second récit L'histoire de la vie (téléchargeable ICI) sur la photosynthèse. J'étais très confiante, parce qu'avais un souvenir assez net d'une expérience réalisée en classe lors de mes années collège. C'est donc tout naturellement que j'ai voulu la proposer à mes enfants.
 
L'Histoire de la Vie, chapitre V
 
Photosynthèse. Que voilà un joli mot. À la lecture de ce chapitre, j'ai expliqué aux enfants que  "synthèse" signifie "fabrication". Et "photo" ? Que peut bien signifier "photo" ? 😏
 
L'expérience que j'avais en tête permet de montrer que la lumière est nécessaire à la synthèse de l'amidon. L'amidon est un sucre, et le sucre .... rappelez-vous ... Oui, les plantes, au cours de l'évolution, ont trouvé le moyen de synthétiser leur propre sucre ! 

À aucun moment je ne nourris ma plante verte avec du sucre, nous sommes d'accord ? Je lui donne un peu d'eau, elle reçoit de la lumière ... Et avec ces "matières premières", elle va fabriquer son propre sucre - réserve d'énergie nécessaire à sa croissance. 
 
Pouvons-nous le prouver ? 😊

❤❤

 
C'est avec ce projet en tête qu'un soir, entre la poire et le fromage, je demande naïvement à mon scientifique de mari :

"Dis, tu penses que je pourrais trouver de l'eau iodée, en pharmacie ?"

Mon homme lève un sourcil.

"De l'eau iodée ? Tu veux dire de la solution de Lugol ? Mais tu n'y penses pas, c'est super dangereux, ça !"

Ah. Voilà pourquoi l'expérience était absente des blogs de SVT que j'avais compulsé. Si elle était à la mode dans les années 90, il semblerait qu'elle ait disparu des pratiques scolaires pour cause de dangerosité. Mince de zut

"Non, a poursuivi mon homme, catégorique. De l'eau iodée, ça ne s'achète pas. C'est irritant pour la peau et les yeux, ça ne se manipule qu'avec des gants et des lunettes. En plus, c'est super instable, et archi-polluant ..."

J'ai dû avoir l'air drôlement déçue, car il a ajouté :

"De l'eau iodée, ça ne s'achète pas ... mais ça se fabrique. Je te ferai une solution, si tu veux. Mais tu feras attention, hein ?"

Le stress. 😊
 
(J'ai choisi de ne pas révéler tout de suite à mon homme que mon expérience nécessitait aussi que nous manipulions de l'alcool brûlant ... 😅)

Le lendemain, mon homme me rapporte du labo une petite fiole en plastique remplie de quelques millilitres du précieux liquide. Il a entouré le flacon de scotch opaque et m'explique que le produit réagit à la lumière et doit être conservé dans le noir.

"Encore une chose, me dit-il. Après l'expérience, tu enfermeras dans un flacon hermétique tout le matériel que tu auras utilisé, ainsi que le reste du produit. Je recyclerai ça au boulot."

L'ambiance était plantée : on allait faire un truc super dangereux. Trop hâte. 😁

J'explique donc aux enfants qu'à l'aide d'un produit très-rare-et-très-nocif-et-très-magique, nous allons pouvoir mettre en évidence la présence de sucre au cœur de la feuille.

La première phase de l'expérience, très simple, ne requiert que quelques trombones, des morceaux de papier Canson bien opaques, et un peu de patience.


On fixe les papiers occultants sur des feuilles variées, à travers le jardin. L'idée est de priver de lumière certaines zones de la plante, histoire de voir si ce manque a un impact sur la production de sucre.

Il parait que cette expérience est réalisable en intérieur ; je n'ai pas essayé, mais veillez alors à ce que les plantes soient bien exposées à la lumière, par exemple en sortant les pots dehors au soleil si le temps est doux, ou en les plaçant sous une lampe en hiver.
 

Reste à patienter 48h - ici, nous avons laissé les caches en place pendant plusieurs jours.

 
Puis, vient l'heure de dégainer les produits chimico-toxico-magiques (youpi).

Rassemblons le matériel nécessaire : de l'alcool à 70°, notre flacon d'eau iodée, une pince, des gants, des lunettes de protection, une casserole, un bocal avec couvercle, une paire de ciseaux, du papier absorbant.
 
Dans une petite casserole, on verse de l'alcool à 70° et on porte à ébullition. Inutile de dire qu'on est très très très prudent, l'alcool brûlant pouvant causer des lésions profondes ! Attention, de plus, à ne pas inhaler les vapeurs ⚠ ⚠ ⚠ - bref, c'est l'adulte qui gère, et l'enfant doit se contenter d'être spectateur à distance. 


Prélevons aux ciseaux les feuilles partiellement couverte de papier noir, ainsi que quelques feuilles "témoins" de la même espèce, n'ayant pas été occultées. On ôte les caches et on plonge les feuilles dans le bain d'alcool brûlant. On constate presque immédiatement que les feuilles perdent leurs couleurs ; l'alcool devient vert, et les végétaux virent au pâlichon. C'est que l'alcool chaud stoppe instantanément les réactions biochimiques de la feuille. Les cellules qui la compose stoppent toute activité - dont la couleur verte était la manifestation.
 
 
Cette décoloration est nécessaire pour que l'eau iodée puisse faire, dans un second temps, son boulot de révélateur.
 

On retire précautionneusement les feuilles de la casserole avec une pince - bien sûr, vous avez gardé vos gants et vos lunettes - et on les place sur une feuille de papier absorbant pour qu'elles refroidissent.


C'est l'heure du bain ... d'eau iodée ! Plouf !
 
La solution ambrée est versée précautionneusement dans un bocal suffisamment grand pour accueillir une feuille déployée.
 

L'eau iodée est vraiment une potion magique, puisqu'elle se colore en bleu violacé au contact de l'amidon. L'iode se fixe sur les molécules de sucre dans la feuille, et transforme leur couleur ...
 
 
Que constate-t-on ?

Une feuille sans cache ressort entièrement bleu marine des bains successifs. Elle est bourrée d'amidon, autrement dit de sucre. Magique.
 


Mais, oh : les feuilles ayant été occultées ne sont pas colorées là où se trouvait le cache : vous le voyez, notre petit cœur, sur la photo ci-dessus ? 😍
 
Pas de lumière, pas d'amidon. Pas de lumière, pas de production de sucre.
 
Bon, alors, en vrai, ça marche mieux sur certaines essences de feuilles que d'autres. Ici le framboisier a donné le résultat le plus probant, loin devant la violette (la trace existe, mais il faut la deviner un peu ...) ou la capucine et le lierre (pas de différence avec les feuilles témoins). Je ne me l'explique pas (et vous ?) mais mieux vaut travailler sur un maximum d'espèces de plantes différentes pour avoir la chance d'obtenir un résultat !
 
Au terme de cette expérience, on peut donc affirmer que c'est grâce à la lumière que les plantes (ou du moins, le framboisier ! 😄) fabriquent le sucre dont elles se nourrissent. Dingue.
 
(J'avoue : on a adoré cette expérience qui laissera une trace profonde dans l'esprit des enfants. Le fait qu'il faille multiplier les gestes de sécurité n'est pas étranger à son succès !)

Pour conclure cette activité, n'oublions pas de la resituer dans l'Histoire de l'évolution : cette production de sucre autonome est une invention incroyable. C'est elle qui fait naitre le règne végétal, qui se distingue à cet instant précis du règne animal ! 
 
 
❤❤
 
Haut les cœurs ! Je suis à présent à la recherche d'une expérience qui permette de mettre en évidence la respiration des végétaux. Rien de ce que nous avons essayé jusqu'à présent n'a été concluant ... Décidément, les protocoles scientifiques nous donnent du fil à retordre, en ce moment ... 😅
 
Vous auriez des conseils, des trucs simples qui ont fonctionné chez vous ? 😊

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1 comments

  1. Anonymous20:18

    Le Lugol est très peu dangereux, même si on fait porter les EPI aux élèves on ne les porte pas quand on manipule. Il s'achète en pharmacie et cette manipulation est présente sur les blogs de SVT puisqu'elle est encore faite (et peut tombé au CAPES).

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