De dix à vingt

December 21, 2016


Entre 3 et 5 ans, le petit enfant, qui avait commencé à mémoriser la suite orale des nombres jusqu'à dix, poursuit son élan au delà. Et l'éducateur constate que ça coince. Vous êtes-vu déjà demandé pourquoi ? Les difficultés sont en fait de deux ordres :

- D'abord notre système numérique, s'il est archi-régulier à l'écrit, ne l'est pas à l'oral. Puisque l'on dit un, deux, trois, il serait logique de dire dix-un, dix-deux, dix-trois - comme on le fait d'ailleurs ensuite : vingt-et-un, vingt-deux, vingt-trois. "Onze", "douze", "treize", "quatorze", "quinze" et "seize" ne disent rien, à l'oreille, de leur contenu. Et pour compliquer la chose, cette irrégularité survient dès la première dizaine rencontrée !

- Une fois ce morceau de la comptine numérique mémorisé, l'enfant se heurte à une nouvelle difficulté : il est incapable de lire ces nombres ! Pour pouvoir le faire, il lui faut construire une connaissance profonde de notre système décimal dit "de position" (le chiffre le plus à gauche d'un nombre représente un ensemble, un "paquet de dix"). Évidemment, la tâche serait facilitée par les mots-nombres transparents, mais nous avons vu que ce n'était justement pas le cas, au début, en français... Pas de chance !


Il s'agit donc d'une acquisition délicate, et il faut veiller à ce que toutes ces notions se construisent dans l'ordre, et sans précipitation. Voici, concrètement, les étapes, directement inspirées de la pédagogie Montessori, que j'ai suivi avec mes enfants :

- D'abord, on fait construire ces nombres par l'enfant, onze, douze, treize..., à l'aide d'un matériel de numération : barrettes de perles montessoriennes, ou autre. A ce stade, l'enfant n'a même pas besoin de savoir nommer les nombres. Il s'agit de comprendre comment il se construisent - et on veillera à ce que la dizaine soit toujours placée à gauche.

- Puis, on introduit le vocabulaire, par exemple à l'aide d'une leçon en trois temps Montessori.

- Vient ensuite l'écriture chiffrée, qui n'est qu'une manière d'encoder tout cela, avec des manipulations type "table de Seguin". Petite astuce professionnelle : prenez toujours garde de dire "Un 1 SUIVI d'un 2", par exemple, et non : " Un 1 ET un 2". Et bien, oui, "1 et 2", ça fait 3, et non 12 ! Cette manière de parler est source de confusion extrême !

- Enfin, on consolide en fournissant un maximum d'occasion de mettre en correspondance les quantités et l'écriture chiffrée. J'ai proposé ces activités moult fois sur ce blog, par exemple via la roue du dénombrement ou le collage de gommettes...


C'est encore une activité de ce type que j'ai proposé à Louiselle aujourd'hui : j'ai simplement imprimé des bandes comprenant l'écriture chiffrée et le nombre d'éléments correspondant. Une fois découpées, j'ai laissé Louiselle les ranger dans l'ordre sur la table de notre cuisine. Vous pouvez les télécharger ICI.


Le matériel est volontairement petit. Plus l'enfant grandit, plus les gestes induits par les manipulations sont fins et précis. Ici, je lui ai proposé des pignons de pin (exactement le nombre requis pour l'exercice, soit 165 pignons tout de même !), qu'elle a mis en correspondance avec chacune des bandes. Je pensais qu'elle allait poser les graines SUR les points dessinés sur les bandes (ce qui aurait permis le contrôle de l'erreur), mais elle a préféré les placer à côté, quitte à vérifier régulièrement son travail en dénombrant la collection depuis le début.


Ce type de manipulation contribue à renforcer la correspondance univoque - un mot nombre désigne une quantité, et une seule. L'enfant s'exerce à dénombrer des collections qui commencent à être importantes (chaque élément correspond à une unité, et donc à un mot-nombre de la comptine numérique) et lit les nombres en situation.


Et chez vous, quelles sont vos activités montessoriennes du moment ? 😊

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