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Thursday, May 4, 2023

De la modélisation


Nos enfants nous regardent.

Tous les parents ont reçu un jour cette petite surprise de la vie : soudain, au détour d'une phrase produite par notre rejeton, nous nous reconnaissons
 
Oh. Ce ton, ces mots, cette intention : c'est moi. Ça fait toujours un petit choc, n'est-ce pas. 😁
 
Nos enfants nous regardent - très fort ! - et nous imitent, dans une certaine mesure, que nous le souhaitions ou non.
 
Si je suis attentive, je me débusque moi-même dans de multiples aspects de la personnalité de mon enfant : le rythme de ses phrases, son niveau de langue, le style de son humour,  ses habitudes, ses goûts, ses phobies ... Et si j'accepte pleinement l'idée que j'ai un rôle de modèle - pour le meilleur et pour le pire - je change complètement de regard sur lui. 
 
Il ne s'agit pas de réduire l'enfant à une marionnette, qui imite tous mes faits et gestes. Mais plutôt de me dire que, lorsque quelque chose m'émerveille ou m'agace en lui, il y a de fortes chances que je le retrouve en moi. 😏
 
 
Alors, vous me direz : "Cela est vrai quand l'enfant est petit, mais à l'adolescence, tout change ! Je ne suis plus du tout un modèle, mon enfant a besoin de prendre le contre-pied systématique de ce que je suis pour se sentir exister."

Il est tout à fait vrai que l'enfant a besoin, pour grandir, de se différentier de ses parents. Est-ce à dire qu'à l'adolescence, nous perdons notre rôle de modèle ? Loin s'en faut. Si vous voulez une preuve, la voici : les ados n'aiment rien plus que d'être avec leurs amis, n'est-ce pas ? Et avec leurs amis, que font-ils, de quoi parlent-ils ? 
 
Le saviez-vous ? 90% des conversations entre ados sont consacrés ... aux parents. On les critique, on les compare, on râle ... 
 
90% du temps ! C'est dire si l'ado voue une véritable PASSION à ses parents ! 😄

Il nous regarde ... 😏
 
 
Il n'y a pas encore d'adolescents à la maison, mais quelque chose s'amorce. 😊

Vivre avec les adonaissants, pour moi, c'est comme évoluer devant un miroir sous une lumière crue. Ils ne sont pas dupes, et ils voient tout : les rides et les cernes de nos âmes (de nos visages aussi ! 😂). Nos failles, nos contradictions. S'ils nous les reprochent parfois, c'est sans doute parce qu'ils sont eux-mêmes perclus de contradictions, et que c'est angoissant. Ils cherchent en nous un rivage stable sur lequel s'appuyer, et gare quand nous ne remplissons  pas ce rôle !

Même s'il n'en a pas l'air, mon enfant entend TOUT ce que j'ai à dire - et ce que j'ai à dire diffère parfois de ce que je dis effectivement, notons-le bien ! Mon enfant voit TOUT ce que je fais. Plus mes propos contredisent mes actions, plus je risque d'avoir quelques difficultés à accéder à sa confiance le jour où j'aurai un message important à lui transmettre ...

Comment puis-je me plaindre qu'il passe trop de temps sur son téléphone, si je fais de même ? De quel droit m'inquiète-je de ce qu'il n'a, à mes yeux, pas assez de "centres d'intérêt", alors que je suis moi-même beaucoup trop "occupé(e)" pour développer d'éventuels talents ou passions ?
 
Mon enfant me regarde, et il me regarde avec une attention redoublée quand je me plante. 😄 Oui, oui, les petites difficultés de la vie : ce type de situation aiguise particulièrement l'attention de l'adonaissant, parce que ce sont dans les moments les plus difficiles que nous apprenons le plus de nous-mêmes - et qu'il apprend sur nous, et donc sur lui-même.
 
 
Voici une petite image que je trouve très éclairante et qui m'aide au quotidien :
 
Lorsque nous montrons quelqu'un du doigt, lorsque nous pointons chez lui une attitude (positive ou négative), nous brandissons l'index et replions le majeur, l'annulaire et l'auriculaire. 👉👉👉
 
Allez-y, faites le geste : pointez du doigt cet article ! Vous voyez ? 
 
 👉👉👉
 
Mon index pointe l'espace devant moi, mais trois autres doigts me désignent ... MOI !
 
Triple effet boomerang. 😆

J'ai constaté que cela fonctionnait à tous les coups : dès que nous formulons quelque chose à propos de quelqu'un, c'est en réalité à nous que nous nous adressons.
 
👉 L'index dit : "Tu ne nettoies pas sa chambre, c'est une porcherie, c'est un manque de respect !"
 
Et les trois autres doigts répondent : "Ma propre relation au ménage est-elle simple ? J'aime, je déteste ? Est-ce que je me sens capable de ranger ? Comment est-ce que je gère la pression de la société sur l'image que mon intérieur renvoie ? ..."

👉 L'index dit : "Je ne supporte plus tes crises de colère, est-ce que tu te rends compte de ta chance d'avoir la vie que tu as ?"

Et les trois autres doigts répondent : "Suis-je en mesure de réfléchir à ma propre colère, à la façon dont ma réactivité m'empêche d'être ce que je suis dans les relations qui comptent pour moi ?"

👉 L'index dit : "Tu ne fais plus rien scolairement, tes résultats chutent, quel sera ton avenir !?"
 
Et les trois autres doigts répondent : "Est-ce que je donne le meilleur de moi-même dans mon métier ? Ce que me renvoie le monde du travail est-il en harmonie avec le sens profond que je mets dans mon investissement professionnel ?"
 
Lorsque nous pointons l'index, regardons donc les autres doigts ! 😊
 
 👉👉👉
 
Un reproche formulé aux autres ne dit quelque chose 
que d'une seule personne : nous-même.
 
 
Projection, tout n'est que projection ... Les relations humaines dans leur ensemble ne sont qu'un vaste jeu de miroir qui ne font que refléter ... mes propres projections.
 
Évidemment, ce jeu de miroir est largement amplifié dans un cadre familial, on comprend pourquoi ! Ressemblance physique, schèmes psychologiques transmis, histoire partagée ... La famille a une "charge émotionnelle" que les autres sphères de ma vie n'ont pas ...
 
Si je reproche à l'enfant d'être ce qu'il est, c'est généralement à moi-même que je formule ce reproche. 
 
Je ne peux pas modeler l'Autre, fut-il la chair de ma chair. Mais bonne nouvelle : je peux très bien me prendre moi-même comme exercice, et me façonner, comme le sculpteur le ferait de son bloc de marbre. C'est certes difficile, mais ma propre personne est finalement la seule "chose" sur laquelle je puisse avoir un tantinet d'ascendant. 
 
En tant qu'individu, je peux, jour après jour, et même si c'est difficile, construire ma résilience et une certaine forme d'humilité, apprécier ma vulnérabilité, prendre des risques, faire des erreurs, comprendre que ma souffrance vient d'un décalage entre le réel et un idéal fantasmé. En aucun cas, je ne saurai construire cela pour un tiers - fut-il mon enfant chéri. 😏


Si j'avais la lampe magique d’Aladin entre les mains, je sais exactement ce que je souhaiterai. Je regarderai le génie dans les yeux, et je lui dirai : "Je veux que mon enfant s'aime lui-même. Je veux qu'il prenne soin de lui-même. Je veux qu'il développe des relations sociales harmonieuses. Je veux qu'il essaie de nouvelles choses. Voilà ce que je souhaite plus que tout au monde - et aussi qu'il développe la patience, qu'il soit courageux face aux montagnes russes de l'existence.
 
Le bon génie de la lampe s'il existait, me répondrait :
 
"Pas de problème, c'est comme si c'était fait ! Voilà ce que nous allons faire : je fais t'aider à développer TES passions, à renforcer TON corps et à prendre soin de TON âme. Quand tout cela sera fait, ton vœu le plus cher sera réalisé !" 😊
 
Merci, Génie : grâce à toi, non seulement je peux m'accorder du temps pour moi sans culpabilité, mais je peux faire ce que j'ai à faire en sachant qu'à travers mes actions, je deviens (en quelque sorte) la personne que je voudrais que mon enfant devienne.
 
(Ceci est une allégorie poétique, bien sûr. N'essayez pas de la passer aux armes de la psychanalyse ! Il s'agit simplement d'un joli mantra, qui n'a d'autre vocation que d'aider au quotidien. Et pis c'est tout. 😋)

(Concernant la fable de la lampe magique, je vous conseille le film Trois mille ans à t'attendre, que j'ai visionné il y a quelques jours et qui m'a inspiré ce article ! 😊)


Maintenant : l'enjeu n'est pas de me mettre une pression supplémentaire dans cette vie de dingue. L'objectif n'est pas de devenir autre chose que ce que je m'efforce déjà d'être.
 
L'amélioration de soi est l'effort de toute une vie. Keep going !

Cela vaut pour nos enfants aussi ! Ils ont toute une vie devant eux pour réaliser ce qu'ils sont ! C'est une idée apaisante dans la tourmente de l'adolescence, non ?

S'il pouvait sortir deux minutes de sa lampe, le bon génie nous encouragerait, en substance, à ne pas nous oublier nous-même, à ne pas nous perdre nous-mêmes, et à cesser de penser que les autres sont plus importants que nous-mêmes - N'oubliez pas : votre enfant VOUS regarde. 😊
 

Au fil des ans, j'ai publié bien des activités "pour enfant", mais voilà, je crois, les premiers exercices "pour adulte" que je nous propose. 😉 Je suis en train de les réaliser l'un et l'autre, et si vous me suivez, sachez que les commentaires sont ouverts et dédiés à un espace de discussion "en direct" sur ce que ces petites expériences pourront révéler.
 

Exercice 1 :

 
L'adulte choisit une petite (ou grosse) chose qu'il aimerait modéliser chez son enfant : avoir une hygiène plus minutieuse, lire pour le plaisir, se promener, écrire un journal, faire du sport, etc.

Une fois l'objectif ciblé, il le réalise. Pour lui-même, le plus égoïstement possible, avec autant de plaisir qu'il souhaiterait que son enfant y mette.

L'adulte reste ouvert à tous les ressentis au cours de l'expérience. Cette activité change-t-elle la manière dont il se voit lui-même et sa relation avec son enfant ? Le temps partagé avec l'enfant est-il différent pendant l'expérience ? L'enfant a-t-il plaisir à voir l'adulte prendre du temps pour lui-même ?
 

Exercice 2 :

 
L'adulte énonce à haute voix ce qu'il fait, ses cheminements, ses incertitudes, ses victoires. En verbalisant, nous mettons de l'ordre dans nos émotions, mais nous aidons du même coup les ados et pré-ados qui évoluent autour de nous à intégrer le message : 
 
"Mon téléphone sonne, mais je ne réponds pas car nous sommes en famille.
 
"Je range cet espace, même si ce n'est pas moi qui l'ai sali. Car c'est un espace familial, et je crois que chacun se sentira mieux quand il sera rangé. En tout cas, je me sentirai mieux quand il sera rangé."
 
"J'ai trop à faire aujourd'hui, et cela m'oppresse. Bon, ok, j'accepte la situation : j'ai une tonne de travail et un temps limité. Je vais faire du mieux que je peux, et on verra bien."

Est-il possible de voir chaque instant comme une leçon de gestion de stress, de régulation des impulsions agressives, d'organisation, et de gentillesse ?


Si nous  parvenons, notre ado y réussira peut-être ...  En tout cas ...
 
Il nous regarde ! 😊

8 comments:

  1. Céline21:06

    Merci !

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  2. Pomme et pépin14:36

    Merci pour ce rappel 🙌

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  3. Ananas des tropiques14:37

    Tellement vrai ! Je l'ai remarqué il y a déjà bien longtemps et ça aide à accepter/appréhender leurs/nos attitudes négatives.

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  4. Lize14:37

    C’est tellement vrai. Merci d’avoir mis des mots, et de m’avoir donné des pistes à explorer.
    Confronté pas plus tard que mardi, où je dis à mon mari « qu’est ce qu’il est têtu notre mini » et il me répond « il a de qui tenir »😂

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  5. Steph14:38

    Oui même si parfois difficile à admettre c'est vrai 😉

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  6. Morgan14:38

    c'est tellement vrai

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  7. Happy Mum14:39

    C'est exactement le genre de réflexion que je me fais lorsque c'est compliqué avec ma grande.

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  8. clémentine Farcy21:08

    Bonsoir Elsa. Merci pour cet article qui est tellement juste. J'ai recopié l'une des phrases de l'exercice 2 et je vais essayer de la prononcer mais aussi de l'incarner. Je ne reçois plus tes articles en version mail. Quel dommage!

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